Dessin {Libre}

Edward avait beau être à Cherry depuis bientôt deux ans, à chaque fois qu’il se promenait au sein de l’établissement, il ne pouvait s’empêcher de remarquer à quel point il était énorme. Comment les nouveaux se débrouillaient-ils pour ne pas se perdre entre ces « Ailes » gigantesques dans laquelle s’entassait les nombreux élèves qui suivaient des cours ici ? Lui, ne s’était encore jamais perdu, et il était heureux de pouvoir le crier haut et fort. On lui répétait souvent qu’il était l’un des seuls à avoir accomplit cet exploit. Lui et Tess qui l’avait longtemps suivi avant de trouver son chemin, seule. Il regrettait tout de même cette époque où ils étaient encore plus inséparables que maintenant. Sa meilleure amie ne cherchait désormais plus qu’à croiser le roi bleu dans les couloirs, et même s’il faisait de son mieux pour ne rien redire à ça, il en était fou de jalousie.

C’est en repensant aux beaux yeux de la jeune fille qui faisait battre son cœur qu’il entra dans le hall de Cherry. Il poussa un soupir de soulagement en se rendant compte qu’aucun roi (et même pas Jake !) n’était là. Enfin, à première vue. Un brouhaha infernal se faisait entendre, mais aucune émeute ne semblait avoir commencé. Vu de l’extérieur, il avait conscience que l’université avait l’air d’un asile de fou. Lui-même n’était pas plus attaché que ça à l’endroit, au départ. En fait, c’était Tess qui avait absolument voulu venir ici, et lui, en bon idiot qu’il était l’avait suivi, effrayé à l’idée que d’autres personnes puissent la lui voler.

Il se dirigea vers les casiers et partit ouvrir le sien. Il y enfonça quelques affaires et en ressortit un sac noir dans lequel se trouvait son matériel à dessin. Maladroitement, il le referma et disparut en silence dans la foule. Lorsqu’il en ressortit, il se dirigea vers les escaliers de l’aile nord. A cette heure ci, ils devaient être totalement déserts. Et c’était le cas. Le brun s’installa donc entre les marches et commença à dessiner l’ébauche d’un visage malicieux qu’il connaissait par cœur, à force de le voir sans arrêt en vrai aussi bien que dans son esprit. Des bruits de pas se firent alors entendre, ne faisant pas réagir le dessinateur qui était préoccupé par ce trait qui lui avait échappé et qu’il tentait de gommer avec acharnement.

Liz n'était pas à l'aise. Nouvelle ici, elle ne connaissait de vue que Riana, rencontrée par hasard dans un café et qui lui avait parlé de Cherry. A cette époque, elle hésitait ; sa passion ou un métier stable. Elle avait choisi la première option, se disant que de toute façon, autant faire un métier qui lui plaisait vraiment, et puis sa mère l'avait boosté à entrer dans une école d'art.

Elle savait bien que Milo avait grandi et mûri, mais elle ne doutait pas qu'il ne la laisserait pas tomber. Ils avait toujours été proches, et Liz s'était rendue compte, qu'au cours de sa première année, Milo avait gagné en assurance. Ces histoires de rois dont il lui parlait de temps en temps l'effrayait un peu, bien que le système l'énerve au plus haut point.

En entrant dans le hall, elle eut l'impression de se retrouver dans une fourmilière géante. Comment ne pas se perdre ? Et puis si elle tombait sur Milo à ce moment précis, ce serait un heureux hasard. Elle se dirigea maladroitement vers des escaliers, comme si il lui fallait reprendre son souffle.
C'est là qu'elle aperçut, isolé et penché puisqu'il dessinait, la silhouette d'un jeune brun. Liz avait le "don" de percevoir le peu de tristesse qui émanait des personnes, et chez lui, elle le décernait bien. Elle s'appuya contre le mur, et l'observa, lui, en train de gommer nerveusement.
"Il souffre" pensa-t-elle. Elle se laissa aller, oubliant l'heure, l'endroit.

Ce ne fut que quelques minutes après qu’Edward réagit. Il n’avait pas vraiment l’habitude d’être observé et avait beaucoup de mal à savoir lorsqu’on posait les yeux sur lui ou non. Mais le silence était tel dans ces escaliers, qu’il avait développé une sorte de paranoïa et s’était retourné sans vraiment être sûr d’avoir quelque chose à voir. Une jeune fille se tenait là, appuyée contre le mur, à le regarder. Il fut énormément surpris de cette apparition et cela devait se lire sur son visage.

« Euh… Bonjour » articula-t-il, confus.

Il ne se leva pas et était à moitié retournée vers l’inconnue. Il se sentait mal à l’aise même s’il n’y avait aucune raison de l’être vraiment. Il avait juste l’impression qu’elle avait deviné ce qu’il pensait et dans quel état il était rien qu’en repensant à Tess, mais sans doute était-ce une illusion. Personne ne peut lire dans les pensées, n’est-ce pas ?

« Qu’est-ce que… hum… tu fais là ? »

Il regretta bien vite de lui avoir demandé une chose pareille. D’une part car c’était indiscret, et d’autre part car tous les élèves pouvaient circuler librement dans l’université d’après ce qu’il savait. Il lui sourit maladroitement comme pour l’excuser de sa lenteur à comprendre ce qui se produisait.

Liz sourit et se reprit. Elle se rendit compte qu'elle avait été très impolie. Elle ne le connaissait pas et se permettait de le fixer ainsi. Se reprenant elle lui répondit doucement...

« Bonjour ! Euh excuse-moi de te regarder comme ça... Je t'observais dessiner. Mais je comprends que ça te gêne, on ne se connaît pas... Je suis nouvelle ici.» enchaîna-t-elle d'un coup. Contrairement à son cousin, Liz était bavarde, mais là elle ne voulait pas donner l'image d'une cruche babillant tout le temps à en donner mal au crâne.

« Oh Liz arrête de parler aussi vite ! Tu effraies les gens ! » pensa-t-elle. Mais elle ne s'était pas trompé. A en voir le visage du jeune homme, celui-ci était pris d'une grande tristesse... Liz était peinée. Elle ne voulait pas non plus passer pour une matteuse superficielle et agressive. Elle termina gentiment :

« Je m'appelle Elizabeth mais je préfère Liz.»

Elle pencha la tête sur le côté et lui fit un grand sourire. Ce garçon avait été surpris, il était triste et confus mais Liz savait bien qu'il n'était pas méchant.

« Et toi ? »

Difficile pour Edward de dire que cette inconnue était silencieuse. Timide, peut-être, mais bavarde. Lui-même connaissait cette pulsion qui forçait quelqu’un de maladroit de dire tout ce qui lui passait par la tête. Rien qu’à cause de ça, il eut tout à coup de l’affection pour elle bien qu’il n’en sache pas grand-chose. Nouvelle ? La pauvre. Il se souvenait lui-même de ses débuts ici et ce n’était pas les meilleurs moments de sa vie.

Elizabeth ? C’était un très joli prénom. Elle préférait qu’on la surnomme Liz, mais Edward n’en voyait pas l’utilité. Mais puisqu’elle préférait Liz, il n’allait pas la priver de ce plaisir. Le sourire gêné qu’il affichait se transforma alors en un de ravissement.

« Il n’y a pas de mal, dit-il. Je m’appelle Edward. »

Il glissa le dessin sous ses jambes et posa ses crayons entre son corps et le mur, en espérant pour qu’elle ne les ait pas remarqué, ce qui était techniquement impossible. Il tapota la marche à sa gauche pour indiquer à la jeune fille de s’installer si le cœur lui en disait. Elle avait l’air moins idiote que toutes les cruches qui peuplaient Cherry et il ne dirait pas non à la connaître un peu plus. Savoir son nom ne changerait pas grand-chose.

« Qu’est-ce que tu fais à Cherry ? »

La question allait de soi : pour suivre des études. Mais il se trouvait que ce n’était pas la seule université d’art des environs et il devait y avoir une raison précise pour laquelle elle avait choisi celle-ci et pas une autre.

Liz , confiante , adressa un grand sourire à Edward ; ce prénom lui allait bien . Il ne paraissait pas agressif ; c'était plutôt le contraire .
Elle avait bien vu qu'il avait voulu cacher son dessin et son matériel mais elle ne voulait pas être indiscrète dès le début , déjà qu'il l'avait surprise le fixant... Elle était persuadée , que le garçon n'était pas un de ces dragueurs , toujours en bande et méprisant tout ce qui l'intéressait pas , prenant les filles pour des objets et fuyant toute responsabilité .
Liz le connaissait peu , bien qu'elle l'appréciait et avait le sentiment , qu'en un sens , ils se ressemblaient . Elle prit place à côté de lui , resta silencieuse un moment , puis lui expliqua :

« Oh ma première réponse serait , parce que je suis passionnée d'art . Mais
à vrai dire , ce n'est pas que cela ... »

Liz inspira un coup . Elle n'aimait pas parler de ses soucis , mais elle croyait en Edward . En le voyant et en lui parlant , elle avait cette sensation , qu'on peut avoir en croisant un inconnu , de se sentir en confiance avec cette personne , de pouvoir tout lui dire sans qu'il vous juge . Affichant un sourire triste et rempli de mélancolie elle lui expliqua doucement :

« Je dois te dire déjà que je sais en quelque sorte ce qu'il se passe ici , enfin cette histoire de rois ... Milo , le Roi Blanc est mon cousin . Je ne veux pas que tu me détestes pour cela Edward , bien que si ça se trouve , tu les vénères toi aussi.
Milo et moi , avons toujours été proches petits . Je n'ai jamais vu ses parents , donc mon oncle et ma tante . Ma mère n'en parle jamais . Mais récemment ,elle m'a dit que je devais veiller sur Milo . J'avais bien vu qu'il changeait . Il semblait lassé , distant et triste . Il restait gentil avec moi mais il n'était plus le même . Je connaissais de vue Jewel , son meilleur ami et Milo ne parlait plus que de "cet ami véritable" comme il disait . Ma mère me soutenait pour mes études d'art et je cherchais une école . Alors elle m'a dit de venir ici pour rester près de mon cousin . »

Liz baissa la tête . Elle ne sentait pas capable de s'occuper de Milo . Car cela avait toujours été l'inverse ; elle conclua :

« En plus de cela , un peu plus tard , j'ai rencontré Riana dans un bar . Tu sais ,
le genre de rencontre tout à fait par hasard . Elle m'a dit qu'elle y allait avec son amie Rose .
Alors je me suis inscrite et je suis venue ... Je ne sais pas si c'est une bonne idée finalement . »

Elle leva les yeux vers Edward . Elle avait peur de sa réaction. Elle ne voulait pas pleurer ...
« Non non et non Liz ! Tu n'es pas une des ces idiotes qui versent des larmes pour un rien ! » se répéta-t-elle.

Elle précisa :

« Edward , je hais cette histoire de rois . Je ne suis pas une groupie . Je hais ce système , bien que je n'en connaisse que le principal ; c'est-à-dire quatre rois règnent sur Cherry et tout le monde est à leurs pieds . »

Liz était consciente du risque qu'elle prenait . Edward pouvait aller tout leur répéter , mais elle se persuadait qu'il n'était pas un fervent admirateur de ces quatre guignols (Oui son cousin en faisait partie et c'est cela qui la désolait le plus) .